Pacific


La revue Bodoï parle de Pacific ! Voici l'intégralité de l'interview sur Globes. 



Pour la rentrée littéraire, l'Association publie Pacific de Paul Kodama, la première BD d'un écrivain qui a une approche pour le moins originale de la figuration narrative. Nous sommes allés à la rencontre de l'auteur pour en savoir davantage sur cette BD « pas dessinée ».



Ta démarche est plutôt inhabituelle puisque tu viens davantage de la littérature que de la BD . Au printemps, tu as notamment publié un roman « Les Irradiés de Cherbourg » chez POL qui est devenu un best seller en quelques mois. Qu'est-ce qui pousse un auteur à succès comme toi vers la Bande Dessinée?


Alors... Pour moi, ce que j'ai publié, ce n'est pas de la Bande Dessinée mais de la Bande... il n'y a, à proprement parler, aucun élément dessiné dans Pacific. Il serait donc plus légitime d'appeler ça une B plutôt qu'une BD. Oui... Donc... voilà... La nuance est importante car la plupart des éléments graphiques sont textuels. Et je suis vraiment très reconnaissant envers l'Association, maison d'édition reconnue, de prendre le risque de me publier. Ca me fait vraiment très plaisir. Quand j'ai commencé à bander, je ne pensais pas que cela irait aussi loin. Je dois dire que, pour moi, ça relève un peu du conte de fées...

Pourquoi ?


C'est inattendu. À l'origine, j'ai publié ça sur mon blog, Globes, à titre expérimental et lorsque Lewis Trondheim m'a téléphoné pour me confier que « c'était exactement ce qu'il cherchait à publier » , j'ai eu du mal à y croire... En vérité, il a dû lourdement insister pour sortir la bande en même temps que son album Monolinguistes & Psychanalyse. J'ai opposé une certaine résistance et puis finalement, je me suis laissé convaincre à la suite d'un repas assez arrosé. J''étais notamment très sceptique sur ma graphie qui me pose problème. Pour moi, rendre public mon écriture était une sorte de coming out...

Comment ça ?


Ce que je veux dire par là, c'est que depuis que je suis en âge d'écrire, les instituteurs me prennent la tête avec l'illisibilité supposée de mon écriture. En réalité j'ai passé une enfance très chiante à cause de ça. C'est sans doute de là que provient ma vocation d'écrivain. Écrire à la machine ou sur ordi en Times New Roman a été une véritable expérience mystique. N'importe qui pouvait me lire ! Me comprendre ! M'aimer peut-être ? J'ai pleuré la première fois. Créer Pacific m'a libéré de cette angoisse. J'ai perdu tout envie d'écrire. Ça s'est en quelque sorte dégonflé. J'ai conçu plus de 500 strips destinés à mon blog. Je suis assez satisfait que cela se termine par une édition papier chez un éditeur reconnu. En outre, avec l'Association, on va lancer prochainement dans la presse ado et les magazines féminins un grand jeu-concours que je vous livre en avant première : « Un vers d'Arthur Rimbaud s'est caché dans les strips de Pacific. Trouve-le et gagne une semaine en pension semi-complète à Acapulco. »

Donc, pour toi, « la Bande », c'est juste une mise en case de l'écriture ?


Oui, on peut dire ça comme ça... En réalité, je prends la direction opposée d'auteurs comme Winshluss qui, dans Pinocchio, supprime presque complètement le texte. Je cherche plutôt à supprimer le dessin alors que, dans la vraie vie, je passe beaucoup de temps à dessiner des paysages et des natures mortes. Je travaille beaucoup le nu aussi...

Le thème de Pacific, c'est quoi ?

Alors, c'est un peu difficile à expliquer. On va dire que la question principale, c'est l'envie de mourir qui nous saisit quand on va à la plage et qu'on se met de la crème solaire sur le dos...


On sent un certain engagement dans ton œuvre.

Tout à fait. Je suis quelqu'un de très engagé sur le plan politique. Il se trouve que j'aime beaucoup passer mes vacances dans le Pacifique sur la côte mexicaine. J'ai une vénération particulière pour les vagues qui sont particulièrement dangereuses. L'avantage, c'est qu'il n'y a que les surfeurs et les nageurs expérimentés qui osent se baigner. Donc tu es tout seul, tranquille dans l'écume avec les poissons et j'aime ça... C'est mon côté un peu Che Guevara. Or, lors de mes dernières vacances, j'ai été saisi d'un doute affreux concernant Fukushima et les tonnes d'eau radioactive qu'ils rejettent dans la mer. L'idée qu'il faille dans un avenir proche aller dans les Caraïbes pour se baigner m'a révolté. Cancun, c'est beaucoup plus loin, et je ne parle pas du prix des locations! Donc j'ai fait cette bande dans le but de dénoncer ça. J'ai d'ailleurs été terriblement ému par les milliers de messages que j'aurais pu recevoir des lecteurs de Fukushima si mon œuvre avait été traduite en japonais. J'ai senti que j'étais dans le vrai.

Et le thème des supers-héros ?


Alors, j'ai inventé un personnage de super-héros appelé Silver Swimmer. Bon, je crois que je vais attendre quelques années avant de contacter Marvel. Je ne les sens pas particulièrement pressés d'adapter la bande. Les Américains savent que je suis intraitable sur la question des droits d'auteur.

Des projets ?


En B, rien du tout pour le moment!.. Et sinon, je suis en pourparlers avec POL pour un essai qui devrait sortir en avril prochain. Il s'agit d'une réflexion sur la littérature contemporaine à l'heure d'internet. Le texte est constitué principalement par des onomatopées. Ça s'appellera « Aaaargh ». Excuse-moi de ne pas en dire davantage ; je n'aime pas beaucoup parler de ce que je fais tant que ça n'est pas publié.

1 commentaire:

  1. "J'aime", comme on dit sur FaceBook. Enfin de l'intelectualisme de haut niveau et de l'engagement sur le haut de la vague. A tout casser! Henry, gauchiste réactionnaire du Centre

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