Très vite, il rencontre Louis-Ferdinand Céline avec qui il se lie
d’amitié. Les deux hommes écrivent ensemble « Voyage au bout du boubou », un recueil de contes africanistes qui
se veut dénonciation virulente du colonialisme. À l’époque, l’ouvrage passe relativement inaperçu, la critique ayant les
yeux posés sur la braguette d’Hitler.
À la libération, son amitié indéfectible pour Tony Duvert le désigne clairement comme collabo. Il est
rasé Place de la Bastille et échappe de peu à l’exécution. C’est le célèbre
résistant d’origine suisse, Jacquot La Brioche , qui parvient à le cacher dans
le coffre de sa traction avant et l’emmène en Suisse.
Antoine Brea racontera cet épisode terrible du crâne écorché dans Chauv[2].
Réfugié à Genève, abreuvé de délicieux chocolat, entouré par
l’affection des siens et de Ramuz qui le visite de temps à autre, il écrit son
trop fameux Libellule[3] ,
un texte poétique ambigu qui critique les excès de la société libérale et dévoile
la prostitution des abeilles.
Le roman recevra un accueil mitigé en dehors de la Papouasie-Nouvelle-Guinée
où il est acclamé comme écrivain de l’année. Signalons également le Nouveau-Brunswick
qui lui propose une résidence d’artiste de six mois en novembre 1951.
« Nul n’est prophète en son pays » écrit-il avec
amertume à Franz Kafka déjà mort depuis belle lurette qui se fend cependant
d’un mail tout à fait hors propos dont on a malheureusement perdu la trace dans
les lacs gelés de la Prusse-Orientale.
En avril 1968, il rompt avec Paul Kodama qu’il trouve bien trop brutal
dans ses ellipses temporelles. « Tu pourrais faire un effort !
Merde !... C’est ma biographie !... écrit-il dans une lettre au
vitriol. « T’avais qu’à pas commencer avec les zapatistes !... »
réplique Kodama du tac au tac. La critique qui ignore tout de cette correspondance
houleuse n’en reste pas moins mitigée.[4]
En mai 1968, après s’être essayé de longues années au patin à glace, Antoine
revient en France où de jeunes éditeurs pleins d’allant s’intéressent enfin à
lui. Il est l’un des premiers poètes français à se mettre au rap[5].
Obsédé par ses origines celtiques, il s’installe au 32 rue de
la Soif, à Brest, dans un appartement cosy où il écrit un roman éponyme[6]
qui ne trouvera malheureusement jamais d’éditeur.
À la fin des années soixante-dix, perturbé par l’atmosphère érotique
qui règne dans les casernes bretonnes, il
déplace son bureau au milieu du séjour. Cette décision ne le satisfait qu’à
demi… Il écrit pourtant plusieurs ouvrages admirables avant d’immigrer, perplexe,
à côté du couloir.
Après avoir publié « Méduses »[7],
il est acculé par les créanciers et le fisc qui lui réclame les arriérés de la
T.S.I.[8]« Il fallait donc que ces enfoirés me prissent
pour Pierre Louÿs » écrit-il à Paul Kodama avec qui il s’est
réconcilié car, c’est bien connu, il ne faut jamais se fâcher avec un biographe[9]
fût-il exécrable[10].
Poursuivi par les dettes et les hordes de féministes endiablées[11], il enchaine traduction sur traduction. C’est
à cette époque tourmentée que paraît son remarquable « Guide du Routard de l’Inframonde (bons plans et astuces pour voyager
pas cher dans le neuvième cercle) »
En 2013, toujours jovial et mordant[12],
il publie « Petites vies d’écrivains
du XXe siècle » aux éditions Louise Bottu[13].
La critique reste mitigée[14].
Cependant, quelques esprit éclairés voient là une évocation tragi-comique de
sa propre existence à travers celles d’auteurs d’outremonde. Il faut donc lire
ces poèmes mystiques entre les lignes et comprendre que la vie en littérature
n’a aucune importance et que tout tient finalement dans l’ivresse du livre.
[1] Les étymologistes se perdent en conjectures sur le mystérieux
patronyme de l’auteur. Certains évoquent des origines bretonnes. Antoine
Yannick Gwennaël Bréhat aurait perdu le
h, le t et l’accent aigu à la suite d’une descente de police.
[4] Stultorum numerus est infinitus
[5] Voir à ce sujet, les propos d’Eminem dans le Rock &Folk N° 76
de mai 1973.
[6] « La Soif »
[8] T.S.I. : la Taxe sur
le Subjonctif Imparfait a été mise en place en 2008 par le gouvernement
sarkozyste pour calmer les ardeurs élitistes des auteurs d’extrême gauche.
[9] Je suis le biographe de l’erreur et du mensonge.
[11] Non omne quod licet honestum est
[13] Célèbre personnage d’une chanson d’Arletty, Louise Bottu est une femme
misérable qui passe de bras en bras et finit par se prostituer par amour pour
un maquereau psychopompe répondant au doux nom d’Arturo…
[14] Bis repetita non placent
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